Ce sont les meilleurs orateurs au monde. Découvrez dans cette série de posts les secrets de cinq de ceux-ci et enfin du meilleur d’entre eux.
Pierre Bourgault a été l’un des plus ardents défenseurs de l’indépendance du Québec, pour laquelle il a milité jusqu’à la fin de sa vie survenue en 2003. Regardez le discours qu’il a prononcé durant la campagne du référendum de 1980 sur la souveraineté de la province.
Ce qui frappe tout d’abord, c’est l’extraordinaire énergie avec laquelle Bourgault harangue le public. On ne peut pas douter un seul instant qu’il croit de tout son cœur en la cause qu’il défend, et cela s’exprime dans son corps et dans sa voix.
Dans son corps par une gestuelle variée, saccadée qui appuie le discours.
Dans sa voix par un ton passionné.
Dans les deux, par le passage incontestable de l’émotion vers le public. Regardez le visage attentif, ému de la jeune femme à 3’44.
Pour soutenir l’attention de chacun, Bourgault joue également avec les silences et les ruptures. Ses silences sont vivants, chargés de ce qu’il vient de dire, et nécessaires à la respiration au milieu d’un discours qui pourrait submerger. Ses ruptures (notamment à 1′ et à 2’49) sont théâtrales et essentielles pour la dramatisation du propos.
Détaillons la rupture survenant à 1′ :
Bourgault, après avoir adopté un ton pugnace, vivace et va-t-en-guerre fait une pause de près de trois secondes. Chacun prend ce temps pour mesurer la portée des propos de l’orateur. Celui-ci pose son regard sur une autre partie de l’auditoire, change radicalement de ton et prononce la date de 1867 avec recueillement. Ses bras qui jusque là étaient très actifs, avec des gestes essentiellement localisés vers le haut du corps, retombent dans un mouvement qui accompagne la voix.
Nouveau silence accompagné d’un éloignement du micro. Les québécois présents dans l’assistance savent que 1867 est l’année où le peuple canadiens français fut introduit dans la confédération canadienne par la majorité anglaise du Canada-Ouest. Nouvelle rupture très rapide où Bourgault harangue de nouveau son auditoire : « on a institutionnalisé… » suivi immédiatement d’un retour au ton dépité « … notre statut de minoritaire. »
Silence accompagné d’une micro-démangeaison du sourcil droit que Bourgault gratte vers l’intérieur du visage. Le livre de Philippe Turchet « Le langage universel du corps » nous révèle que, par ce geste, Bourgault exprime le fait qu’il se trouve face à l’évocation d’une situation qu’il ne veut pas imaginer, accentuant encore pour l’inconscient de son auditoire le côté « martyr » du peuple francophone du Canada.
Bourgault prend ensuite son élan pour marquer une nouvelle rupture : « Et tout de suite après commencent les grandes batailles ». Il repasse au mode « harangue ».
Au cours de ce bref passage de 15 secondes, Bourgault fait pas moins de quatre changements de ton et trois silences, rendant son propos vivant, théâtral et créant un véritable spectacle oratoire pour son auditoire.
Faites comme Pierre Bourgault : soyez passionné et sachez vous rendre passionnant en théâtralisant votre propos grâce aux ruptures. Voilà pourquoi il a été l’un des meilleurs orateurs au monde.
2 comments
Join the conversationJulien - 23 mai 2012
» Ce sont les meilleurs orateurs au monde. Découvrez dans cette série de posts les secrets de cinq de ceux-ci et enfin du meilleur d’entre eux. »
C’est ce que l’on pouvait lire sur votre site le 14 février 2011.
M. Haumont nous parle de MM. Bourgault, Gore et Jones, mais qui sont les trois autres ? Et qui est le meilleur d’entre eux, selon lui ?
Si j’ai pu trouver facilement sur votre site les textes (que vous appelez » posts « ) de M. Haumont portant sur MM. Bourgault, Gore et Jones, je n’ai malheureusement rien trouvé sur les trois autres.
Auriez-vous l’amabilité de m’expédier les liens internet de ces trois textes afin que je puisse compléter la lecture de cette série ?
Par ailleurs, je serais curieux de savoir comment M. Haumont qui, sauf erreur, vit en France et semble relativement jeune si je me fie à la photo apparaissant sur votre site, a entendu parler de Pierre Bourgault dont les plus grands discours remontent au début des années 60 à l’époque où celui-ci était chef du Rassemblement pour l’indépendance nationale du Québec, l’extrait du discours que vous nous avez présenté datant de mai 1980, discours prononcé dans le cadre du premier référendum portant sur l’avenir du Québec.
Merci bien et bonne journée.
Julien Tremblay
Gaspé
pascalhaumont - 28 mai 2012
Bonjour,
Merci pour votre commentaire. Effectivement, vous êtes un lecteur attentif : il manque des articles sur les meilleurs orateurs au monde. Je n’ai pas été très assidu sur mon blog ces derniers temps et je le reconnais bien volontiers.
Je ne connaissais absolument pas Pierre Bourgault, mais mes recherches m’ont amené vers lui et j’ai été subjugué par ses qualités incroyables et son énergie.
Enfin, je comprends que l’utilisation du terme issu de l’anglais « post » heurte vos yeux québécois, je serai plus attentif à l’avenir 🙂