Les six candidats à la primaire du PS se sont retrouvés sur France 2 le jeudi 15 septembre pour un débat cordial et très suivi par les français.
L’émission a débuté par une intervention d’une minute face à la caméra pour chacun des candidats. Regardez la vidéo.
Pour tous, cette minute a été placée sous le sceau de la gravité. Visages plutôt fermés, vocabulaire faisant appel à des émotions négatives, l’heure n’était certainement pas à la rigolade. D’autant que le stress était perceptible pour chacun des candidats.
Détaillons les six interventions.
Martine Aubry
La Maire de Lille commence mal. Elle agrippe son pupitre, comme si elle avait besoin de se raccrocher à une bouée pour ne pas se noyer dans son stress. Sa première phrase : “Ce soir je veux dire aux français : je comprends votre inquiétude, notre pays va mal et finalement tout le monde nous dit, Monsieur Sarkozy en tête, qu’on n’y peut rien ou pas grand chose” est trop longue et trop alambiquée pour accrocher le téléspectateur.
Et puis vient le moment (à 2’03) où elle prend conscience de cet état de fait et où elle se redresse en lâchant le pupitre. Son message devient aussitôt plus audible et elle trouve enfin les ressources pour ponctuer les mots importants, pour adopter une gestuelle adaptée et pour créer des ruptures en faisant de courtes pauses. Son ébauche de sourire lorsqu’elle évoque son bilan en tant que ministre et en tant que maire apparaît enfin sincère.
C’est alors que’elle évoque la potentielle victoire de 2012, plongeant dans ses notes et ruinant du même coup la portée de cette idée. Elle se ressaisit vite et termine ce premier exposé sur le même mode quasi-naturel qu’elle avait su trouver peu après le début de son intervention.
De manière générale, sa voix est posée avec des montées en cours de phrases et des descentes en fin. Cependant, elle termine parfois tellement bas qu’elle en devient rauque, risquant du même coup de perdre son auditoire.
Martine Aubry a été dans cette minute fidèle à son image de sérieux et de rigueur, retrouvant en conséquence les défauts inhérents à cette image, à savoir le manque de naturel et de charme.
Manuel Valls
Le député-maire d’Evry est tendu. Droit comme un i avec la tête assez peu mobile, il ponctue ses idées d’un geste artificiel de la main droite qui parasite son discours. Sur son visage, seuls ses sourcils sont très mobiles. Selon le psychologue Joseph Messinger, cela traduit une personnalité susceptible sur laquelle il ne faut pas compter…
Manuel Valls connaît son texte par coeur et n’hésite pas.
Sa première phrase accroche bien le téléspectateur : il resitue le contexte “je suis candidat à la Présidence de la République…” et introduit le sujet en créant une attente chez celui qui l’écoute : “… pour incarner une gauche qui dit la vérité et qui redonne l’espoir”.
Il insiste bien sur les mots importants, ce qui est primordial pour la transmission du message. Cependant, il a une diction assez mécanique associée à une rythmique étonnante : pauses à des moments inattendus et redémarrage d’une phrase aussitôt la précédente terminée. Cela a deux effets :
- positif : l’attention est maintenue par cette diction originale.
- négatif : le message est brouillée par la forme inhabituelle.
Manuel Valls renvoie ainsi au téléspectateur une image assez floue qui nous laisse sur notre faim en attendant d’en voir plus.
Arnaud Montebourg
Le plus jeune des six candidats semble détendu. Son corps est souple, il ponctue son discours de pauses qui semblent parfaitement naturelles. Il présente à la caméra la partie gauche de son visage. Le synergologue Philippe Turchet y voit là l’expression d’une émotion positive, intense et contrôlée.
En n’esquissant que peu de gestes, il laisse le téléspectateur se concentrer sur son visage, sa position et son discours.
Arnaud Montebourg connaît son texte par coeur et le récite de manière tout à fait fluide. Cela renforce encore cette impression de force tranquille. Il commence par une phrase qui place son intervention sur le registre de l’émotion : “Madame Monsieur, je sais que vous êtes inquiets”. Il continue en utilisant de nombreux mots empruntés au chant lexical de la combativité : surmonter, péril, affronter, courage, guerre, combat, contre, …
En jouant à la fois sur le registre de l’émotion et sur une image détendue, Montebourg réussit le pari d’entrer dans cette émission en attisant la curiosité du téléspectateur.
Jean-Michel Baylet
Le Président du PRG n’a pas vraiment travaillé en vue de cet exercice : il lit toute son intervention. La sanction est immédiate : il parle vite, sans conviction, hésite, à l’air de réciter…
De plus il se tient très légèrement en arrière, confirmant ainsi son manque d’implication.
Enfin, il semble ne jamais décider entre regarder la caméra (donc le téléspectateurs) et David Pujadas. Résultat : les mots n’atteignent jamais leur cible. D’autant plus que sa première phrase est bien mal choisie : “L’élection présidentielle est le moment où s’engage véritablement le destin de la France”.
“Certes” se disent les téléspectateurs. Sans vouloir en savoir plus, parce que le candidat a oublié de nous parler de la seule chose qui compte : nous.
Jean-Michel Baylet aurait du tenter de compenser son déficit de notoriété par une présence hors norme et une préparation au millimètre… Visiblement, il n’est pas suffisamment motivé pour cela.
Ségolène Royal
Je suis toujours très étonné quand je regarde et écoute la Présidente du conseil régional de Poitou-Charentes parce qu’elle me renvoie toujours l’impression qu’elle ne comprend pas ce qu’elle dit.
Pourquoi ?
Non pas parce qu’elle aurait des défauts purement techniques : elle articule parfaitement, pose sa voix, sourit…
Ce n’est pas non plus le contenu de son intervention qui pose problème. Sa première phrase par exemple devrait fonctionner puisqu’elle implique son auditoire et s’identifie ensuite à lui : “Vous qui êtes inquiets, pour vous ou pour vos enfants, vous qui avez perdu et qui avez peur de perdre encore, vous pensez qu’on ne peut plus s’imaginer un avenir meilleur même quand on travaille dur, vous avez raison, je pense comme vous.”
Le problème ne vient pas du fait qu’elle lit son texte. Il est possible d’être parfaitement sincère, crédible et convaincant en se référant à ses notes et elle est assez habile dans l’art de passer de la caméra à sa feuille.
Non, ce qui est gênant, c’est qu’elle le lit sur un ton monocorde en omettant de faire des ruptures de ton, de débit, de volume… et en plaçant des sourires à des moments inopportuns, d’une manière qui semble aléatoire.
Un fait intéressant vient s’ajouter à ces observations : après avoir évoqué son parcours personnel, elle dit la phrase suivante : “Je trouve inadmissible que cela ne soit plus possible”. A ce moment, son sourcil gauche s’élève très rapidement. Selon Philippe Turchet, il s’agit de l’expression d’une profonde réticence à parler de soi et son désir de ne pas s’impliquer dans l’action.
C’est donc là tout le problème de Ségolène Royal : une implication qui fait défaut et que ne peut pas compenser la maîtrise technique.
François Hollande
L’ancien premier secrétaire du PS commence parfaitement son intervention.
Il ne lit pas, ne donne pas l’air de réciter, a une bonne dynamique corporelle et sait impliquer son auditoire par un ton naturel et un corps légèrement penché vers l’avant. François Hollande est parmi les six candidats le meilleur comédien.
De plus, son accroche est bonne : “Nous sommes dans un moment décisif, chacun l’aura bien compris”. Elle donne envie d’en savoir plus.
Et puis vient le moment de la déstabilisation lorsqu’il parle de la justice fiscale. Perdant soudain le fil de son texte, François Hollande trébuche et propose au téléspectateurs une phrase un peu biscornue dont on a du mal à saisir le sens.
Il se ressaisit et trébuche de nouveau au moment où il parle de la jeunesse. Il essuie une perte de confiance et sa belle assurance s’estompe alors qu’il termine son intervention. On a vu dans cette première minute du candidat un funambule arrivé de l’autre côté par miracle. Dommage, car il sautillait d’un pied sur l’autre en démarrant son numéro.
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