Vous participez souvent à des réunions ou des formations. Il s’agit d’un moment où plusieurs personnes sont rassemblées dans une salle et où l’une d’entre elle a la responsabilité de présenter un sujet et de gérer les échanges entre les membres du groupe. En général, cet animateur lit des listes à puces et commente des graphiques en regardant un écran sur lequel est projeté un document qu’il aura passé des heures à peaufiner à coup de remplissage et de copier-coller. Les plus efficaces d’entre eux parviennent à créer de l’interaction au milieu de ce déversoir d’information.
Vous vous ennuyez.
La mauvaise nouvelle, c’est que c’est parfois vous l’animateur, le consultant ou le formateur, et que malgré tous vos efforts, vous reproduisez ce que vous avez toujours vu faire : un PowerPoint document projeté sur un écran qui sera envoyé ensuite aux participants.
Et là ce sont les autres qui s’ennuient.
Je vous ai souvent parlé de la nécessité de raisonner en termes de visuel, de distinguer le document que vous distribuez du support que vous projetez, de ne pas vous servir de votre PowerPoint comme d’un prompteur… Tout cela est le fruit de mes lectures, de mon expérience, de ma réflexion et du simple bon sens. Mais je viens de terminer la lecture de l’ouvrage Multimedia learning de Richard Mayer (Cambridge University Press). L’auteur est professeur de psychologie à l’Université de Californie à Santa Barbara et son livre apporte la preuve scientifique de tout ce que je vous affirme sur ce blog et dans mes vidéos.
Deux hypothèses fortes
Le point de départ de sa démonstration est sa manière de considérer les participants comme des « apprenants » qui essaient activement de construire une représentation mentale qui a du sens, plutôt que comme des réceptacles à informations. Ce qui permet donc de ne plus considérer l’animateur (« l’instructeur ») comme un déversoir à informations.
Le deuxième élément lui permettant de construire sa théorie est celui de la limite de la mémoire de travail des apprenants : si on reçoit trop d’informations, on ne peut pas toutes les traiter.
A partir de ces deux hypothèses, il décide d’étayer par des expériences scientifiques rigoureuses douze principes dont trois vous intéressent particulièrement en ce qui concerne vos PowerPoints : le principe multimédia, le principe de cohérence et le principe de redondance. Les 9 autres sont également intéressants pour vos prises de parole, mais cela fera l’objet d’un autre article…
Le principe multimédia
Selon ce principe, on apprend mieux avec des mots et des images qu’avec des mots seuls.
L’auteur a mené deux expériences : il s’agissait d’expliquer à des « apprenants » dans un cas le fonctionnement d’une pompe à vélo et dans l’autre cas le fonctionnement des freins d’une voiture. A chaque fois le chercheur a séparé ses apprenants en deux groupes : le premier groupe écoutait un texte décrivant le fonctionnement, le second groupe écoutait le même texte mais celui-ci était accompagné d’illustrations. Dans les deux cas, le second groupe a été bien plus performant au test de compréhension que le premier.
Le résultat de cette expérience donne la raison pour laquelle il est utile d’accompagner sa présentation d’un PowerPoint : il s’agit d’illustrer vos propos par des éléments visuels parce que l’association des mots et des images permet à votre public de se créer un véritable schéma mental de ce dont vous parlez et ainsi d’en renforcer la compréhension.
Il s’agira donc de compléter le discours oral (ce que vous dites) avec des « images », terme à prendre au sens large : des photos, des graphiques, des schémas, des mots-clés… Il sera très important de veiller à ce que ces « images » constituent bien des éléments visuels. Un tableau avec plein de chiffres n’est pas une « image ».
Le principe de cohérence
Selon ce principe, on apprend mieux lorsque les mots et images additionnelles intéressants mais non nécessaires sont exclus.
Pour prouver ce principe, le chercheur a proposé une présentation « multimédia » à deux groupes différents sur la manière dont naissait la foudre dans le ciel lorsqu’il y avait un orage. Le premier groupe recevait une information concise, tandis que le deuxième groupe recevait la même information dans laquelle étaient ajoutés des petits clips présentant des informations supplémentaires, dans le style : « La foudre peut arriver à n’importe quelle saison et peut potentiellement frapper n’importe où, n’importe quand ».
Il posait ensuite la question suivante aux participants : « Comment peut-on réduire l’intensité de la foudre ? ».
Les participants du premier groupe, ceux qui avaient reçu une information concise sans éléments supplémentaires, se sont avérés bien plus performants dans la résolution de ce problème.
Pour PowerPoint, cela veut dire trois choses :
- Il est contre-productif d’ajouter des éléments (graphiques, textes, schémas, tableaux) en vous disant : « j’ajoute ça sur mes slides pour les gens que ça intéresserait d’avoir un complément d’information ». Votre public retiendra et comprendra beaucoup moins bien votre message essentiel, ce que vous voulez leur faire passer.
- Lorsque vous proposez un graphique, veillez à retirer tous les éléments qui ne servent pas directement à illustrer le message que vous êtes en train de faire passer. Les éléments supplémentaires parasitent la compréhension de votre message.
- Tous les éléments supplémentaires intéressants mais qui ne font pas partie de votre intervention auront leur place dans un document à part que vous pourrez distribuer ensuite ou envoyer par mail.
Le principe de redondance
Selon ce principe, on apprend mieux avec des images et un discours oral qu’avec des images, un discours oral ainsi que du texte écrit.
Richard Mayer évoque la théorie selon laquelle tout le monde n’apprend pas de la même façon. Certains seront « visuels » quand d’autres seront « auditifs ». Si l’on extrapole, il serait donc plus efficace de présenter l’information dans différents formats : les gens qui préfèrent écouter seraient plus attentifs aux mots prononcés par l’orateur, les gens qui préfèrent lire seraient plus attentifs aux phrases qui seraient présentées sur le support visuel.
Si la théorie de la préférence sensorielle a bien été vérifiée, l’extrapolation est en revanche fausse. Cela découle directement de la limite de la mémoire de travail des personnes qui composent votre public : lorsqu’on est submergé d’informations, il est impossible de toutes les traiter. Outre les expériences qu’il a lui-même réalisées, une nouvelle fois avec l’exemple de la foudre, l’auteur en évoque d’autres qui aboutissent toutes au même résultat : des étudiants de collège qui apprennent la géométrie, des étudiants auxquels on expose des théories sur l’électricité, des étudiants recevant un cours sur la mémoire…
A l’étude de ses données et de celles de ses confrères, l’auteur a pu constater que les dégâts étaient réduits lorsque les textes étaient limités à quelques mots clés et qu’ils étaient proche des « images » auxquelles ils faisaient référence, et ce seulement auprès d’étudiants expérimentés dans le domaine.
Pour PowerPoint, la leçon est évidente : écrire sur son slide ce que l’on dit est redondant et a un effet négatif sur ce que va retenir le public. Si vous n’imaginez pas ne proposer que des visuels, il faut absolument que vous limitiez les textes à des mots-clés, proches des visuels auxquels ils se rapportent. Même les gens dits « visuels » y gagneront en compréhension et en appropriation de votre sujet.
Il est donc scientifiquement prouvé que votre PowerPoint ne sera efficace que s’il est essentiellement visuel avec aucun élément superflu : ce n’est pas un document. Il ne devra également pas répéter de manière écrite ce que vous dites à l’oral : ce n’est pas un prompteur.
Le concevoir ainsi, c’est faire différemment de tout ce que vous avez vu et fait depuis que PowerPoint existe, mais ce n’est qu’à ce prix que votre message sera entendu, compris et intégré.
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