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Le masochisme PowerPoint

Les histoires de PowerPoint finissent mal en général

« Ah ça me saoule, il faut que je fasse mon PowerPoint ».
« Ah ça me saoule, il faut que j’assiste à cette réunion PowerPoint ».

Que l’on soit du côté de celui qui parle ou du côté de celui qui y assiste, on a l’impression que tout le monde évoque ces « moments PowerPoint » comme une montée sur l’échafaud. Celui qui doit « faire un PowerPoint » a le sentiment de faire du bricolage entre ses diapos pour élaborer un discours un peu bancal. Celui qui doit y assister anticipe l’ennui profond qui le saisira au moment où la troisième liste à puces aura succédé au deuxième graphique compliqué avant de sombrer dans un schéma abscons conçu par un orateur qui lui tournera le dos.

Et tout le monde est complice.

C’est comme si cette histoire de PowerPoint tournait à une séance de masochisme collectif. Comment s’en sortir ?

Si vous êtes du côté du public, je ne peux que vous conseiller de prendre votre mal en patience en observant tout ce qui ne va pas pour ne pas le reproduire quand vous prendrez la parole à votre tour.

Si c’est vous qui devez prendre la parole, j’ai une première question :

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous faites un PowerPoint ?

Je reformule : est-ce que vous vous êtes déjà sérieusement demandé pourquoi vous faites un PowerPoint ? En quoi le fait de projeter sur un écran des diapositives peut-il avoir un impact positif sur votre public ? En quoi cela apporte-t-il un plus aux mots que vous prononcez, aux gestes que vous faites ? Est-ce que ça vaut vraiment la peine de consacrer autant de temps à l’apprentissage et la maîtrise du logiciel, à la composition soigneuse et minutieuse de dizaines de diapositives ?

Vous êtes-vous déjà posé ces questions ?

Probablement pas. Et il est difficile de vous en vouloir : moi-même je ne me les suis jamais posées avant que ce soit mon métier de le faire. Moi-même j’ai fait comme vous. J’ai fait des PowerPoint pour trois mauvaises raisons : parce qu’on me le demandait, pour m’en servir comme d’un prompteur et pour m’en servir comme d’un document. Ce sont trois mauvaises raisons. Ce sont ces trois mauvaises raisons qui vous font du mal à vous et à votre public.

Deuxième question :

Pourquoi commencez-vous toujours par PowerPoint ?

Quand on doit faire une présentation pour animer une réunion, un séminaire ou une formation, on a immédiatement un vieux réflexe. Au lieu de se dire « Je dois prendre la parole en public (éventuellement accompagné d’un PowerPoint) », on se dit « Je dois faire un PowerPoint ». Parfois on nous a dit « Tu feras un PowerPoint ! ».
Et donc, tout naturellement, on s’impose comme si de rien n’était d’ouvrir le logiciel. Souvent, rien qu’à imaginer l’ampleur de la tâche et en voyant la première diapo totalement vide, on décide de se changer les idées avant de s’y mettre pour de vrai : un café avec les collègues, un tour sur Facebook ou un long regard par la fenêtre pour voir si par hasard ça n’aurait pas changé. Ça n’a pas changé. Alors on s’y met. Et là on rentre dans la spirale infernale des listes à puces, copier-coller, graphiques compliqués et remplissage décomplexé.
Ce n’est d’ailleurs pas complètement la faute de l’utilisateur : Microsoft a conçu PowerPoint de cette manière-là en nous incitant à plus de puces, plus de texte, plus de titres… Pouvait-il en être autrement avec un logiciel conçu par des ingénieurs ? Reste qu’en faisant ça, on décide d’abandonner l’idée de structurer sa pensée.

Éloignez-vous de PowerPoint pour structurer votre discours avant d’y revenir pour illustrer vos idées ! Parce qu’en vous jetant sur PowerPoint, vous faites mal à votre public en leur proposant un discours non structuré.

Troisième et dernière question :

Pourquoi mettez-vous tout un tas de texte sur vos diapos ?

Peut-être avez-vous découvert en même temps que moi, en 2013, la chanson Formidable de l’artiste belge Stromae. Le clip est sous-titré en anglais bien que la chanson soit en français : Stromae a sans doute souhaité étendre son influence à l’international. Regardez-le clip, il va sans doute se passer la même chose pour vous que pour moi : je n’ai pas pu m’empêcher de lire les sous-titres ! J’essayais d’éviter, mais le réflexe revenait, je lisais. Et le plus étonnant, c’est que si le clip avait été sous-titré en hongrois ou en norvégien, j’aurais lu quand même (est-il utile de préciser que je ne parle ni hongrois ni norvégien ?). Quand on nous propose quelque chose à lire, on ne peut pas s’en empêcher : on lit.

Répétez avec moi : « Les mots c’est moi, le PowerPoint c’est du visuel ». Encore : « Les mots c’est moi, le PowerPoint c’est du visuel ». Allez, une troisième fois pour être en être définitivement certain : « Les mots c’est moi, le PowerPoint c’est du visuel ».
Les neurosciences l’ont prouvé : il est contre-productif d’écrire tout ce que l’on dit sur sa diapo. Pensez visuel !
Chacun de vos messages, sous-messages, sous-sous-messages peut être accompagné ou non d’un visuel. C’est un point fondamental : là où vous vous efforciez auparavant de remplir une diapo et d’en dégager ensuite du discours oral, vous inversez le processus. Vous avez un message et vous l’accompagnez de quelque chose de visuel de manière à ce qu’il soit renforcé, mis en valeur et que ça lui ajoute une nouvelle dimension.
Cette inversion implique un réel changement et une mise au rebut de vos habitudes acquises depuis la première fois que vous avez touché PowerPoint. Vous passez de « je fais un PowerPoint » à « je prépare une intervention orale en l’accompagnant d’un support visuel ».
En proposant des diapositives chargées de texte à votre public, vous leur faites du mal en leur imposant de faire deux choses à la fois : lire et écouter. Ils n’en sont pas capables.

Vous vous êtes fait du mal pendant des années avec PowerPoint. Posez-vous les bonnes questions pour enfin vous faire du bien ainsi qu’aux autres avec PowerPoint !

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